L.A. Man

Le club 27 n’est pas une boîte de nuit tenue par Jean-Luc Lahaye. C’est une sorte de confrérie rock qui regroupe des musiciens ou chanteurs morts à 27 ans. Le créateur de ce rassemblement morbide fut Robert Johnson, le mythique bluesman, décédé en 1938, surement empoisonné par un mari jaloux. Les années soixante n’ont pas été une période avare en demis-dieux rock : les faux jumeaux Mick et Keith, Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison. Les voilà nos quatre autres éminents membres de ce club 27 (le cinquième étant Kurt Cobain). Brian, Jimi, Janis et Jim sont morts en deux ans de temps et tous à 27 ans. When You’re Strange relate l’histoire des Doors au travers de son chanteur mythique. Génie complètement timbré ou fou génial ? A l’issue du film je n’ai toujours pas la réponse. Jim Morrison avait l’air superbement ailleurs, higher aussi, et en même temps on a l’impression, au début du moins, d’un certain contrôle des choses et surtout de l’image qu’il projetait au grand public. When You’re Strange est un rockumentaire basé à la fois sur des images d’archives du groupe en plein boulot (répétitions, concert, interviews), des bouts de films personnels et de moments où l’on voit Jim Morrison se mettre en scène dans une sorte de road-movie mystique, le tout soutenu par la narration de Johnny Depp et bien sûr la musique des Doors.

C’est à UCLA, où il était à l’école de cinéma, que Morrison rencontre Ray Manzarek et qu'ils tissent des liens d’amitié. Morrison quitte la fac et part errer du côté de New York. Quelques mois plus tard les deux hommes se retrouvent par le plus grand des hasards à Venice Beach. Jim Morrison vit sur un toit et passe son temps à écrire des chansons, qu'il ne révèle à son ami qu'à force d'insistance. Manzarek frappé par la qualité des paroles suggère de monter un groupe. Les Doors pouvaient s’ouvrir au monde.

Tout au long du documentaire on voit l’évolution du leader des Doors. Tournant le dos au public lors de son premier concert, Jim Morrison va devenir une légende de la scène (pas toujours pour de bonnes raisons malheureusement). L’alcool et les acides vont transformer la chrysalide en papillon flamboyant, car Jim n’était pas fait pour rester sur terre. Il planait constamment, sautait comme un cabri sur scène, pour sans doute tenter de s’envoler, parfois s’écroulait au pied de son micro complètement shooté à on ne sait quoi. Symbole d’une génération libertaire, contestataire et utopique, il est amusant de voir Morrison faire son show accompagné d’une vingtaine de flics sur scène, postés pour le protéger de ses fans en délire, alors qu’ils n’avaient qu’une envie : lui péter la gueule. Néanmoins, l’Establishment n’aura eu cesse tenter de détruire Jim (comme s’il avait besoin de quiconque pour le faire) et tout ceci nous est aussi narré dans le film.

Au fur et à mesure que le documentaire avance, la déchéance est de plus en plus visible, la fin (même connue) inéluctable. L’ange magnifique devient pathétique, mais il reste la musique, planante, entêtante, remuante, excitante et les paroles révoltées, mystiques, passionnées. Une des dernières images du film nous montre un Jim Morrison christique, quasiment nu, debout dans l’eau (et non pas dessus). Jim Morrison n’est pas mort à 33 ans. Mais à 27. 3 à la puissance 3.

This is the end beautiful friend… this is the end my only friend… the end 

When You’re Strange, film de Tom DiCillo, narration Johnny Depp. Sortie le 9 juin 2010.