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5 mai 2011

Blanc et Noirs

ballon_foot

 

C’est le nouveau scandale à la mode. Ben Laden refroidi au fond de l’Océan Indien, l’héritier de la couronne britannique marié, le type recherché par toutes les polices de France et de Navarre qui aurait abattu toute sa famille, tout ça c’est du passé. Ce qui fait la Une maintenant c’est la fameuse histoire des quotas dans le foot. Tous les médias en parle mais que s’est il exactement passé. Petit rappel des faits.

Une réunion s’est tenue le 8 novembre 2010 dans les locaux de la Fédération Française de Football. Etaient présents, entre autres, à cette réunion Laurent Blanc, sélectionneur de l’équipe de France A, François Blaquart, Directeur Technique National, Erick Mombaerts, sélectionneur de l’Equipe de France Espoirs, Francis Smerecki, sélectionneur de l’équipe de France des moins de 20 ans, et Mohamed Belkacemi, conseiller technique national en charge du dossier du football des quartiers. En tout une quinzaine de participants se sont rassemblés autour d’une table. Au cours de cette fameuse réunion, on a évoqué la formation des jeunes joueurs et le problème que pouvait poser la binationalité des gamins. On appelle binational un jeune Français de parents étrangers ou issus de l’immigration. Laurent Blanc se désole de voir un nombre conséquent de joueurs formés dans le giron fédéral choisir la sélection nationale A de leurs ancêtres alors qu’ils ont évolué dans les sélections françaises de jeunes. Chiffres à l’appui, Erick Mombaerts évoque les statistiques de l’Institut National de Football de Clairefontaine (le plus prestigieux des centres de formations fédéraux). Quatre joueurs formés à Clairefontaine sont devenus internationaux français, 26 internationaux étrangers.  Laurent Blanc se dit choqué par cet état de fait. Pourquoi pas après tout. On peut, éventuellement, considérer que l’intérêt de la Fédération Française est avant tout de former des joueurs susceptibles  d’intégrer l’équipe nationale.

Mais pourquoi des joueurs ayant évolué dans toutes les équipes nationales françaises de jeunes, ceux qu’on appelle les Bleuets, décident un jour de troquer le maillot frappé du coq pour celui de leurs origines ? Principalement parce qu’ils sentent, souvent à raison, qu’ils n’ont pas le niveau pour pouvoir prétendre à l’équipe de France A. Malgré tout ils ont, et ça peut se comprendre, l’envie de donner une dimension internationale à leur carrière, et profitent de l’opportunité qu’il leur est offerte de jouer de grandes compétitions telles que la Coupe d’Afrique des Nations ou même la Coupe du Monde sous une autre bannière. Par exemple 17 des 23 joueurs sélectionnés par l’Algérie pour la Coupe du Monde 2010 étaient nés, et avaient sans doute grandi, en France et bénéficiaient de la double nationalité. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ont tous été formés par la Fédération Française puisque tous les clubs professionnels ont aussi leur centre de formation, et finalement ce sont eux qui font le plus gros boulot de formation.

De toutes manières il est mathématiquement impossible que tous les joueurs formés, même uniquement par la Fédération se retrouvent en équipe de France A. Je n’ai pas le chiffre exact mais je crois que chaque année entre quinze et vingt gamins de treize ans intègrent Clairefontaine. Il y a 14 centres de formation fédéraux. Il existe des sélections pour chaque tranche d’âge de 16 à 20 ans, plus les Espoirs. Si tous les ans les joueurs montent d’une catégorie et prennent la place laissée vacante par leurs aînés, arrive un moment ou le renouvellement démographique naturel ne s’effectue plus. Il faut alors être plus fort que ceux qui sont installés en Equipe de France pour leur prendre leur place. Et évidement c’est extrêmement rare.  La France étant depuis longtemps considérée comme un pays en pointe au niveau de la formation, l’Afrique dans son ensemble étant dépourvue de moyens nécessaires pour en faire autant, un gamin binational formé ici aura de grandes chances d’être supérieur aux joueurs Africains locaux. Il lui est donc plus aisé de devenir international sur ce continent.

Pour mémoire, il n’est jamais arrivé qu’un jeune joueur français d’origine étrangère ayant choisi une autre sélection fasse défaut aux Bleus. Didier Drogba (franco-ivoirien) ou Marouane Chamakh (franco-marocain), pourraient être de ceux là mais ils ont éclaté sur le tard, et auraient eu tort de se priver de toutes ces années qui auraient été perdues pour leurs carrières internationales.

 

   Jusque-là pas de souci majeur. Mais c’est là qu’intervient la notion de quotas. Erick Mombaerts propose de limiter le nombre d’entrées de Clairefontaine aux jeunes qui peuvent éventuellement changer de nationalité plus tard. Première discrimination car au départ l’INF est censé prendre en son sein les meilleurs jeunes, et on pourrait éliminer certains juste parce qu’ils ont des origines étrangères. Erick Mombaerts avance le chiffre de 30 %. Immédiatement, François Blaquart, le Directeur Technique National, rétorque que ce chiffre est trop élevé. Blaquart enchaîne ensuite sur le fait qu’il a donné des consignes au directeur de Clairefontaine pour que ce système de quotas soit instauré. Et à partir de là ça part dans tous les sens. Laurent Blanc se plaint qu’on ne retrouve que des joueurs grands et costaux pas très intelligents, ce qui peut aussi se défendre mais c’est tellement mal exprimé dans cette réunion. On en arrive à « on ne forme  que des blacks qui ne veulent pas jouer en équipe de France, ils prennent la place du jeune qui voudra jouer en Equipe de France ». Et pourtant on l’a vu plus haut, le nombre de joueurs de l’Equipe de France formé par la Fédération sera toujours très bas. Dans l’Equipe de France actuelle ça représente 10-15 % à tout casser.

Et on en arrive à la conclusion terrible. « [On ne forme que des grands costaux, des blacks]… il faut former d’autre types de joueurs, parce que le jeu c’est l’intelligence, et l’intelligence c’est d’autres types de joueurs ».  Erick Mombaerts dans ses œuvres. Médiapart relève que seul Francis Smérecki, le sélectionneur des 20 ans, et un autre participant anonyme (sans doute Mohamed Belkacemi), protestent contre ce raisonnement pour le moins nauséabond.

 

Que retirer de cette fameuse réunion ? Le sport a toujours été l’école du mérite. N’importe qui, quelle que soit sa condition sociale peut arriver au sommet. C’est le seul endroit où celui qui est de condition modeste peut attraper l’ascenseur social. On ne compte plus les success stories de gamins nés dans la rue et qui sont montés sur le toit du monde. Boxeur, footballeur, athlète, le sport est rempli d’histoires de Pelé, Mohamed Ali, Jesse Owens, de fils de rien devenus idoles mondiales. Il n’a jamais été question de couleur de peau, ou de nationalité. Pour ne prendre exemple que dans le foot, les grandes stars ne sont pas noires ou blanches mais elles ont la couleur de leur maillot. Et puis à croire que les gens en place à la Fédération n’ont aucune mémoire. Les trois plus grands joueurs français sont Raymond Kopa, fils de mineur polonais, Michel Platini, petit-fils d’immigré italien, et Zinedine Zidane, dont les parents sont nés en Algérie. Trois potentiels binationaux. Et je ne parle pas des Desailly, Boli, Viera, Just Fontaine ou même encore Larbi Ben Barek (je vous parle d’un temps que les moins de 70 ans ne peuvent pas connaître..) et bien d’autres tous nés en Afrique. L’immigration n’a jamais été un problème pour le football français en général et l’équipe de France en particulier. Bien au contraire. Alors pourquoi vouloir limiter la présence Noire dans le football si ce n’est pas par pure ségrégation ?

J’ai longtemps pensé que le racisme dans le football était le seul fléau qui n’avait pas gangréné ce sport. Certes les supporters sont parfois racistes, mais à l’intérieur du système, je pensais que les valeurs universelles du sport, et tout simplement le pragmatisme empêchaient le racisme. Si untel est le meilleur, qu’il soit Blanc ou Noir, il me fera gagner des matches (donc de l’argent) c’est ça le plus important. Mais on s’aperçoit que certains de ceux qui dirigent la politique sportive dans le football français se sont laissés gagner par la lepénisation des esprits. Combien de fois ai-je entendu des gens se plaindre que « quand même, avec tous ces Noirs en équipe de France on dirait l’équipe du Sénégal, pas étonnant qu’ils ne chantent pas la Marseillaise, etc etc ». Pourtant lors de la fameuse Coupe du Monde 1998 remportée par l’équipe de France on louait l’esprit black-blanc-beur du football français. Si l’équipe de France perd c’est forcément la faute des Noirs et des Arabes. C’est tellement évident. Pourtant, il n’y a jamais eu de sélectionneur Noir en France. Et on a noté que Saint Laurent Blanc finalement prenait à peu près les mêmes joueurs que Domenech le Maudit. On peut donc considérer que ce sont bien les meilleurs joueurs qui sont choisis. Le fait qu’ils soient Noirs ou Blancs n’a rien à voir à l’affaire.

 

En plus d’un raisonnement gerbant, cette réunion montre dans les grandes largeurs l’incompétence de la Fédération Française de Football en termes de formation des jeunes. Elle ne remplit pas son rôle pédagogique car les valeurs morales qui l’animent sont bien loin de celles du sport (tolérance, fraternité, égalité des chances). Elle ne remplit pas son rôle technique puisque si son objectif est de former des joueurs pour l’Equipe de France, c’est manifestement raté.     

 

Pour finir sur cette affaire, qui arrive à me dégouter encore un peu plus du système, il est accablant de voir que finalement toute l’agitation finit par se focaliser sur ce qu’on appelle la « taupe », celui par qui le scandale est arrivé. Mohamed Belkacemi. C’est lui qui a enregistré cette réunion. Etonnant d’enregistrer à l’insu de tout le monde une réunion professionnelle n’est-ce pas ? Belkacemi a pris l’initiative d’enregistrer cette réunion car il avait été témoin auparavant de propos de la même teneur. Il tenait donc à informer le Président Duchaussoy de l’atmosphère qui régnait au sein de la Fédération, il a donc transmis, dès le lendemain, l’enregistrement à un proche du Président de la 3F. On lave son linge sale en famille, en en référant à celui qui prend les grandes décisions. Puis par on ne sait quel biais, les bandes sont arrivées dans les mains de Médiapart qui en a fait bon usage.

Mohamed Belkacemi est devenu le coupable dans toute cette histoire, on parle de Vichy, de Collaboration, de délation. En gros l’enculé dans l’histoire ce serait lui. Bon c’est vrai que c’est plus facile pour Laurent Blanc, dont tous les amis ont la parole dans les médias, de passer pour une victime que pour ce pauvre Mohamed Belkacemi, qu’à part ses voisins de pallier, personne ne connaît. Et puis… Mohamed…si c’est pas une preuve ça !  Mohamed Belkacemi, Jacques Glassmann même combat.

 

Est-ce que Laurent Blanc est raciste ? Pas plus par exemple, qu’un ministre qui pense qu’un Auvergnat ça va, c’est quand il y’en a plusieurs que ça pose problème, ou que le reste de la majorité des Français. J’ai quand même envie d’espérer que tout cela tient plus de la bêtise que de la méchanceté. Doit-il démissionner ? A mon avis, dans un monde parfait oui, tant cette faute est incompatible avec les idéaux du sport. Mais bon après tout, être sélectionneur d’une équipe de foot, ça reste moins important que d’être ministre de la République non ?  D’ailleurs il est très amusant encore de voir les politiques de tout bord jouer les vierges effarouchées à propos des tourments que nous proposent le football français depuis un peu plus d’un an et demi. La main de Thierry Henry, la grève des joueurs à la Coupe du monde et maintenant cette histoire de quotas, leur donnent l’occasion de se porter garant de la morale de la République. Eux qui sont constamment en train de se filer des coups bas, de tremper dans des affaires plus ou moins propres, ce sont les premiers à vouloir condamner, à vie si possible, les acteurs du foot lorsqu’ils dérapent. Encore une histoire de paille de poutre, d’hôpital et de charité.

 

On appelle ça, dans le jargon, marquer un but contre son camp.

 

 

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