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Textes Blog & Rock and Roll
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17 août 2010

Pomme de terre, nouvelle

     Ma tête posée sur la vitre, je regarde défiler le paysage. Je l’ai pris ce foutu train. Je fuis, encore une fois. Encore une fois. Qu’est ce qui me pousse à toujours partir quand tout me retient ? L’ennui, la peur ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Ça me prend souvent la nuit. Je m’extirpe lentement du lit, je m’habille doucement et je franchis la porte les chaussures à la main. Dans le meilleur des cas, ça se déroule de cette façon. Il m’est malheureusement arrivé de me retrouver pris en flag parce qu’un foutu chien avait eu l’idée saugrenue de poser sa queue sous mon pied. Quitte à passer pour un lâche j’ai toujours préféré que cela se sache lorsque la distance entre la fille et moi dépassait plusieurs kilomètres.
     A chaque fois pourtant je jurais mes grands dieux qu’on ne m’y reprendrait plus. Le couple, la stabilité, les femmes tout ça c’était terminé. Et puis à chaque fois je replongeais. Il fallait que je retrouve une femme à aimer, à désirer, à convoiter. Parfois même dès l’épisode rituel du spleen la tête collée sur la vitre du train. A croire que les pâturages français avaient sur moi un effet aphrodisiaque. Serais-je excité à la vue de vaches couchées sur l’herbe, remuant la queue afin de chasser les mouches ? Peu probable. En revanche la vue de demoiselles voyageant seules dans ces foutus trains qui m’emmènent nulle part, faut voir.
     Elle était brune, les cheveux noirs, longs et lisses. Ses yeux étaient soulignés d’un trait de crayon tout aussi noir. Elle lisait un de ces magazines féminins sans intérêt mais idéal pour ces traversées sur rail. Mon numéro était bien rôdé à présent. Je m’asseyais en face d’elle et je l’observais discrètement tout en jouant machinalement avec mon téléphone. Le progrès a des effets pervers tout de même. Le TGV a quand même rendu les choses plus difficiles en matière de drague. Quand auparavant on avait huit heures pour draguer une demoiselle dans un train, il ne nous reste plus que trois heures pour en faire autant. Si à cela on ajoute les IPod et les téléphones portables, faire une rencontre dans un train relève de la mission impossible. Mais je n’avais rien à perdre, j’étais désormais célibataire, je n’avais aucun but bien précis et peu m’importait de rencontrer une marseillaise, une alsacienne, ou même, allez soyons fous une bretonne. Je croisai une première fois son regard. Elle savait désormais que j’étais là. Deuxième regard, un sourire et je me replonge dans mon téléphone où j’égrenais la liste de mes contacts pour savoir chez qui me poser ces prochains jours. Oui parce que parfois je ne pars pas en pleine nuit. Il arrive aussi qu’on me foute dehors et j’ai remarqué que celle qui me mettait à la porte était plus disposé à me prêter leur canapé pour une nuit ou deux. Parfois il faut partager avec le chien et comme je ne lui ai pas marché sur la patte auparavant il est plutôt content d’avoir un truc chaud sur lequel se coucher la nuit.
     Au troisième regard, je n’ai pas baissé les yeux. Un sourire Ultrabrite plus tard, j’étais désormais assis à côté d’elle.
-  Vous allez où ? osai-je
- Etant donné que le train va à Limoges, il y a de grandes chances que j’y aille aussi, fît elle sans lever les yeux de son magazine.
-  Oui forcément. On doit vous le dire souvent mais vous êtes très jolie.
- Non on ne me le dit pas souvent. Mais sans doute parce que les hommes bien élevés n’importunent pas les inconnues dans le train.
- Pas commode la demoiselle, lançai-je dans un sourire. Je m’appelle Fabrice.
- Ne dîtes rien et je peux vous appeler Fabe n’est ce pas ?
- Euh… oui. Décontenancé, je me suis raccroché à ce que j’ai pu. Par miracle, mon œil atterrit sur l’étiquette du sac de voyage. Camille, j’ai l’impression que nous ne sommes pas partis du bon pied
- Non. VOUS êtes mal barré. Il y a dix minutes vous n’existiez pas. Il y a cinq minutes vous n’étiez qu’un type assis dans mon champ de vision. Vous auriez du rester cela jusqu’à ce que nous arrivions à Limoges, ensuite j’aurais négligemment vu votre nuque dans l’allée du wagon et puis vous auriez disparu de ma vie. Au lieu de ça, parce que mon magazine n’est pas assez intéressant pour que j’y reste plongée dedans, vous êtes devenus le lourdeau qui deviendra le héros malheureux d’une anecdote que je raconterais à mes amis lorsqu’ils me poseront la question traditionnelle.
- Oh je vois. Pardon de vous avoir déranger majesté, je retourne là bas.
- S’il vous plaît.

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