Réseaux Sociaux
Tout a commencé en voyant une affiche publicitaire. Elle vantait un site de rencontres pour les musulmans. J’ai appris plus tard que le concept existait déjà pour les juifs. Ça m’a interpellé. Pas choqué non, interpellé. Le communautarisme progresse de plus en plus ces derniers temps. Pour moi le terme de communauté évoquait les hippies qui partaient vivre en Ardèche pour élever des chèvres et s’exclure du système, ou encore les téléfilms américains où untel était « une figure de notre communauté donc il ne pouvait pas être le coupable » (et évidement, c’était le coupable), et pour finir la Communauté Economique Européenne.
Et puis, sans doute à cause de la crise qui traîne dans le coin depuis 40 ans et la morosité ambiante, les communautés sont soudain sorties du bois. Gays, Portugais, Musulman, Antillais, Breton, Juifs, Asiatiques, et j’en passe. Au-delà des origines, des orientations religieuses ou sexuelles, le communautarisme a pris d’autre forme, plus violente, le communautarisme de quartiers. Représente, en force, et tout le bordel.
Le communautarisme, comme son nom l’indique, se forme autour d’une identité commune, celle par laquelle chacun d’entre nous peut se retrouver en premier lieu. Chaque personne y définit son caractère premier, par exemple je m’appelle Loic je suis Breton, je suis Rachid je suis musulman, je suis Kévin je suis homo… Et de par ce caractère premier je souhaite me rapprocher et vivre au sein d’un groupe qui présente le même caractère premier. De ce communautarisme va découler le chauvinisme. C’est pourquoi on supporte en sport les Français parce qu’on est Français, Miss Auvergne parce qu’on est auvergnat, ou Brigitte à la Star Ac parce qu’elle est du coin (même si elle chante comme une poissonnière). Pour résumer : Untel est comme moi donc je l’aime. Et par extension, Untel n’est pas comme moi au mieux il m’indiffère au pire je le hais. Ok ok, je fais un procès d’intention sur ce coup là. Disons que cela doit être le raisonnement des membres les plus virulents, et donc imbéciles, des communautés.
Je n’ai pas ce sentiment d’appartenance à une communauté. D’une part parce que je suis tout ce qu’il y a de plus neutre ici : Français, Blanc, sans religion, sans origine étrangère, francilien, ni riche ni pauvre, hétérosexuel. Peut être que si je vivais à l’étranger mon côté Français prendrait le dessus sur tout le reste pour revendiquer l’appartenance à une communauté française. Mais surtout, je n’appartiens à aucune communauté parce que je n’ai aucune idée de ce qui est mon caractère premier. Je m’appelle Chris Phénix et c’est tout. Je ne vois pas ce qui me caractérise en priorité.
Je suis un homme ? Oui bon ça se voit, je n’ai pas besoin de le revendiquer. Est-ce que le fait d’avoir un sexe fait de quelqu’un un membre de la communauté masculine ou féminine ? J’ai posé la question à ma voisine de cellule (non je ne suis pas en prison, c’est ainsi que je surnomme mon bureau), elle s’identifiait en tant que femme avant même son identité personnelle. Bon vous allez me dire que les conditions masculine et féminine ne sont pas du tout les mêmes et qu’on peut revendiquer le fait d’être une femme. Mon métier ? Il se trouve que je n’ai pas de métier, un travail oui, mais pas de métier qui s’y rattache. Ceci dit, le fait d’annoncer son métier indique à peu près sa position sociale. Et qu’est ce que le communautarisme si ce n’est une position sociale ? Pas dans le sens économique mais la place que l’on occupe dans la société.
Je n’arrive toujours pas à me situer par rapport au communautarisme. Je comprends cette envie de se regrouper entre gens qui se ressemblent. Qui se ressemble s’assemble dit le proverbe. Les s’opposés s’attirent, aussi. Nous voilà bien avancés. Tout est une question de recherche de son identité. Nous ne sommes plus au temps du je pense donc je suis. Nous sommes, certes, mais que sommes-nous ? Seulement un gay, un Portugais, un Musulman, un Antillais, un Breton, un Juif, un Asiatique ? J’aurais tendance à croire que nous sommes beaucoup plus que ça, que de la même manière que notre ADN forme une combinaison multiple, notre identité l’est tout autant.