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Textes Blog & Rock and Roll
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7 juin 2011

Evasion

 

Un mardi, en début d’après-midi, je déambulais avec Madame Phénix, le long d’un canal dans une ville gigantesque. Nous sortions d’un marché très célèbre, cosmopolite et bruyant, et avions fait une halte devant une écluse. Juste le temps pour nous de reposer nos pieds et de regarder manœuvrer les éclusiers. Puis suivant notre guide nous nous sommes écartés de la foule et du bruit pour descendre au bord de l’eau. Le quai était très étroit, on pouvait à peine marcher à trois de front, ce qui ne nous empêcha pas de croiser des joggers ou des cyclistes. D’un coup le brouhaha de la foule n’est devenu que murmure. Moins d’une minute plus tard, les quelques oiseaux nichant dans le coin reprenaient le contrôle sonore de cet endroit. Le canal était calme, les quelques péniches amarrées le long du quai où nous marchions semblaient, bien que fleuries pour la plupart, abandonnées par leurs propriétaires. Sur l’autre rive se dressaient des petits immeubles aux aspects divers. Tantôt d’allure ancienne en briques sombres, tantôt moderne d’un blanc étincelant.  Certains d’entre eux possédaient un jardin avec une porte donnant sur le quai. Ça et là on pouvait y voir quelques jouets renversés en plein milieu de l’herbe. Manifestement leurs propriétaires avaient reportés à plus tard l’idée de les ranger. De nôtre côté du canal, il n’y avait que des grandes clôtures métalliques bordées d’arbustes. Impossible d’apercevoir les propriétés de ce côté. Un peu à l’arrière du groupe Madame Phénix et moi étions assez silencieux. Lorsqu’on traverse un endroit pour la première fois on prête plus attention au décor, à l’ambiance qu’à une éventuelle discussion.

 

Et puis cette quiétude toute particulière a volé en éclats l’espace de quelques minutes. Oh non ça ne venait pas de l’eau, aucun crocodile n’a surgi des flots, aucune péniche ne s’est mise à exploser. C’était juste des cris d’enfants. Cette mélodie si caractéristique des cours d’école. Où que l’on se trouve sur la planète c’est la même chose. Un bourdonnement, de temps en temps des cris aigus, des pieds qui tapent violemment le sol lorsque quelques uns se mettent à courir. Seulement le son de cette cour d’école me parvenait, impossible de la voir. Elle se trouvait de l’autre côté de ces fameuses clôtures vertes et métalliques. J’imaginais cette scène vécue des milliers de fois par chacun d’entre nous. A un détail près, les écoliers portaient sans doute des uniformes, j’étais certain de ne pas me tromper. Je me revoyais du haut de mes huit neuf ans, zigzaguant au milieu de dizaines de gamins. Cependant immédiatement la nostalgie a laissé place à la malice et puis finalement à un sentiment de liberté, d’impunité totale. L’espace de quelques instants j’étais Clyde Barrow tenant par la main sa Bonnie Parker. Pourtant cette expérience je l’avais vécu à de nombreuses reprises, j’habite à côté d’une école, mais c’était la première fois que j’avais pleinement conscience de ce qui se passait à l’instant présent. J’étais en train de réaliser un fantasme enfantin. Ils étaient dedans et moi dehors, planqué derrière une clôture de surcroit.  J’étais dans la peau d’un fugitif, évadé de l’endroit où il était censé se trouve : en prison. Enfin, à l’école. Même si techniquement, à l’âge que j’ai, ma place normale, un mardi matin, c’est d’être sur cette chaise. Seulement voilà, le monde du travail ne me laissera sans doute jamais une trace indélébile comme l’école a pu le faire.

Petit moment de grand bonheur gratuit, ces quelques minutes m’ont montré, si cela était encore nécessaire, que la liberté peut être intérieure du moment qu’on prenait conscience des choses qui nous entoure. Et puisque rien d’y repenser cela me rend tout guilleret, un petit morceau de Supertramp en cadeau Bonux.

 

 

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Commentaires
C
En résumé, l'incarcération de gamins hurlants te rend tout guilleret, c'est ça ?<br /> Comme je te comprends...
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