Politactique

                Non Juvénal n’a pas inventé la Juvamine. C’était un poète satyrique romain de la fin du premier ou début deuxième siècle de notre ère. Deux de ses expressions sont restées particulièrement célèbres : mens sana in corpore sano (qu’une marque de sport a repris très astucieusement à son compte) et panem et circenses. Je traduis la dernière pour les non latinistes : du pain et des jeux. Par là il voulait exprimer deux choses. Premièrement que tout ce qui intéressait le peuple se résumait à pouvoir manger et se divertir avec les jeux du cirque. Deuxièmement qu’il suffisait au pouvoir de donner du pain et des jeux pour être à peu près tranquille. Ce qui se vérifie au cours de l’Histoire de France. En 1789 la Révolution s’est déclenchée parce que le peuple crevait de faim. En 1968 la jeunesse s’emmerdait et Paris a connu un beau bordel.

                Les gladiateurs ont été remplacés par les sportifs. Les héros ne se battent plus glaive à la main mais crampons au pied. Le sponsor a remplacé le bouclier. La politique se sert donc du sport pour se rendre populaire, pour mobiliser un pays, masquer ses faiblesses, faire sa propagande. L’histoire du 20^ème siècle le démontre aisément, que ce soit Hitler en 36, les communistes et les américains ensuite, la France black-blanc-beur à la fin du siècle… A chaque fois la règle est immuable, les vainqueurs sont glorifiés, obtiennent les plus hautes récompenses de l’Etat et finalement prouvent que le système en place est le meilleur. Les perdants par contre voient leur destin brisé. Au mieux ils sont complètement mis au ban de la société, et comme ils n’ont pas fait d’études je vous laisse imaginer la fin de leur vie. Barbosa, le gardien du Brésil en 1950 est devenu un paria parce qu’il avait encaissé le but de la défaite en finale. Et je ne vous parle pas de sportifs qui se sont retrouvés en camp de travail suite à une performance négative. Et pourtant combien de fois a-t-on entendu, surtout dans la défaite, l’expression « ce n’est que du sport » ?

                Oui ce n’est que du sport mais en 2010, dans notre Assemblée Nationale, visiblement on n’a rien d’autre à faire que de débattre de l’Equipe de France de football. Il y a eu une catastrophe naturelle dans le Sud, la réforme des retraites est en chantier, le déficit budgétaire augmente tout les jours, la crise financière fait des ravages, mais non il faut absolument que l’Etat mette son nez dans les affaires du football en priorité. Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé et des Sports a déclaré hier devant les députés :

                "C'est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé de prendre toutes ses responsabilités, d'abord en prononçant et en faisant faire une analyse approfondie, un audit externe, car ceux qui ont failli ne peuvent pas piloter cette analyse, ils ne peuvent pas faire leur cuisine sur leur petit feu."

                Remplacez le mot gouvernement par peuple juste pour voir l’effet que ça donne. Et pourtant ça fait un petit moment que les équipes en place ne sont pas brillantes.

                Bonne nuit les petits, on s’occupe de tout. Tant qu’il y aura les Restaurants du Cœur et le foot à la télé, il n’y aura aucun problème. Voilà… reprenez votre doudou Johnny et rendormez vous.

Comments

[Chris Phénix]

Bien sûr qu'il y a un intérêt politique à gagner la coupe du monde. En terme d'images d'abord, cela montre que ton pays est un pays qui gagne et vu l'importance du foot dans le monde, tu augmentes le rayonnement de ton pays à l'étranger.

Ensuite ça influe sur le moral des habitants, qui du coup consomme plus. L'impact économique de la victoire des Bleus en 98 n'a pas été négligeable, et en ces temps de crise tout ce qui favorise la croissance économique est bon à prendre pour les gouvernants.
Et pour finir, si le peuple est heureux il ne pense pas aux sujets qui fachent et ça aussi c'est très bon pour les politiques.

[Lucie]

Y a t-il un véritable enjeu politique à gagner ou non la coupe du monde de football ?