Le dimanche à Brico Dépôt
Régulièrement, et d’autant plus en période de campagne électorale, revient le problème du travail dominical. Vendredi dernier, l’enseigne Bricorama s’est vue condamner à ne plus ouvrir le dimanche en Ile de France, sous peine d’une astreinte de 30000 Euros par magasin (et par dimanche ouvert si j’ai bien compris). C’est le syndicat FO qui avait saisi la justice à ce sujet. Le législateur autorise un magasin à ouvrir cinq dimanches par an. En général les commerces choisissent les dimanches avant Noël puisque c’est à cette période que le chiffre d’affaires est le plus important. Néanmoins des Périmètres d’Usage de Consommation Exceptionnel (PUCE) ont été créés. A l’intérieur de ces PUCE les commerces peuvent ouvrir tous les dimanches si ça leur chante.
Le refus de voir les commerces ouvrir le dimanche s’appuie sur le dogme de repos dominical, sans doute issu des valeurs catholiques selon lesquelles le dimanche est réservé à Dieu. Même si on notera que pour le coup, tous les curés de France et de Navarre sont contraints de travailler ce jour là pour célébrer la messe. Le peuple se détournant petit à petit de l’Eglise, le dimanche est devenu le jour familial par excellence, celui où on doit se retrouver, se détendre, s’amuser, mais surtout ne pas travailler et ne pas faire ses courses. Soit.
Voici ce que pourrait être le dimanche idéal d’un Français moyen si le travail dominical était interdit. Le matin François se lèverai pour aller acheter le pain et les croissants si prisés lors du petit-déjeuner familial. Puis Brigitte aurait le temps de descendre en ville pour aller chez le boucher acheter le gigot du midi. S’il fait beau François, Pierre, Brigitte, Matteo et Emma décideraient de se balader dans le grand parc municipal pour voir s’ébrouer Médor, le labrador. A moins que Matteo ne doive aller à son match de rugby, ou encore que Brigitte et Emma décide d’aller voir la dernière comédie musicale à la mode. Bien sûr comme il faut être écolo, tout ce petit monde prendrait les transports en communs. S’il ne fait pas beau, pas de soucis, il y a le cinéma, la piscine municipale voire le musée. A l’issue de cette belle journée en famille, les Martin décideraient alors de manger tous au restaurant et les parents pourraient regarder un bon programme à la télévision avant de s’endormir. Ah mes amis, quel bon dimanche (sous vos applaudissements) pour la famille Martin qui n’a pas travaillé et a pu profiter de divers loisirs en famille.
Alors d’accord, les Martin n’ont pas travaillé mais que de gens l’ont fait à leur place ! Le boulanger, le boucher, le gardien du parc municipal, le gardien du stade de rugby, le personnel de la salle de spectacle, de la piscine municipale, du musée, le chauffeur de bus ou le conducteur de métro, du restaurant, et enfin des chaînes de télévision. Oui parce que l’industrie du loisir ne fonctionne pas de manière automatique. Quand vous allez au cinéma ou au musée, vous considérez que c’est un lieu de loisir. Mais le préposé au guichet du cinéma, la personne qui ramasse les saletés après chaque séance, le gardien du musée, eux, ne les voient pas comme un endroit de loisirs. C’est avant tout leur lieu de travail, même le dimanche. Et je passe sur l’industrie du transport, des services régaliens de l’état (police, gendarmerie, armée, hôpitaux, pompiers, services municipaux ou autoroutiers…), les télévisions, radios, stades, salles de spectacles, parcs d’attractions, que sais-je encore, qui ne s’arrêtent pas de fonctionner quand vient le dimanche. Imaginez un instant que personne ne travaille le dimanche. Alors cette fameuse journée réservée aux loisirs serait d’une tristesse insondable. Pas de musée, pas de théâtre, pas de cinéma, pas d’équipement sportif, pas de marché, pas de gare, pas d’aéroport, les autoroutes seraient fermées, au moindre problème médical nous risquerions de mourir faute de soin possible, personne pour s’occuper des vieux dans les maisons de retraite, pas de police non plus, même pas de télévision ni de radio, pas de réparateur EDF en cas de soucis, pas de serrurier si vous oubliez vos clés, pas de pharmacie de garde…
On s’aperçoit assez vite, qu’en prenant le temps de réfléchir un tout petit peu, la question du travail dominical est complètement obsolète, tant il y a de monde déjà au travail le dimanche. Alors pourquoi le commerce pur et dur se verrait interdire un droit réservé à d’autres secteurs d’activité ? Ne venez pas me parler de la noblesse du divertissement par rapport au commerce, puisque l’industrie du loisir et de la restauration dans son ensemble cherche à dégager des bénéfices. Ce qui n’est pas condamnable puisque c’est la logique première de toute entreprise. D’autre part la société d’aujourd’hui repose d’abord sur la consommation à outrance. Ne faisons pas les vierges effarouchées face au grand Capital, les gens veulent le dernier téléphone portable à la mode, l’écran plat qui va bien, des objets diverses et variés et partir au soleil. Arrêtons de consommer et toute notre économie s’écroule et nos emplois avec.
Les syndicats s’opposent à l’ouverture des magasins le dimanche alors que les salariés concernés sont plutôt pour le travail dominical à cause des primes versées par leurs employeurs. Alors oui, bien sûr travailler le week-end détériore grandement sa vie sociale (j’en ai fait l’expérience dans ma jeunesse), mais si ça permet de mieux manger ou d’avoir un logement un peu plus décent, il est facile de comprendre pourquoi certains préfèrent travailler un dimanche plutôt que d’aller à la messe ou de regarder Michel Drucker.